Le dispositif pédagogique du Data Journalisme Lab 2016 (#DJL2016) s’est déroulé selon la configuration suivante :
- Public : 37 étudiants de première année de Master de l’IJBA
- Durée : neuf journées de production + une journée de lancement et une journée de conférence de rédaction intermédiaire
- Session de production : du 17 au 27 mai 2016
Aux côtés de Suzanne Galy et de Frédéric Sallet, déjà présents en 2015, deux nouveaux intervenants ont rejoint l’équipe des intervenants du Lab pour accompagner les étudiants dans l’appropriation et la réutilisation des jeux de données : Vincent Bergeot, entrepreneur indépendant expert en cartographie ouverte, et Gary Dagorn, data journaliste au sein de l’équipe des Décodeurs du journal Le Monde.
Avant la session de production programmée début juin, les quatre animateurs de la formation ont rencontré les étudiants :
le vendredi 1 avril
- Suzanne Galy pour un cours introductif sur le data journalisme, une présentation du Data Journalisme Lab, des sources de données, des caractéristiques et enjeux de l’open data, des méthodes de traitement des données et outils de visualisation
- Vincent Bergeot, pour des exercices pratiques et jeux de rôles d’appropriation de jeux de données
Pour la première fois dans le Data Lab, les étudiants ont choisi des sujets parmi une liste de propositions portant sur le champ thématique de « l’espace public ». Ils ont également été invités à en proposer, en respectant le défi éditorial qui caractérise le Data Journalisme Lab depuis ses débuts : réaliser des enquêtes sur des sujets locaux (Bordeaux et sa région).
Les étudiants ont constitué 12 groupes de travail sur chacun des sujets choisis dans la liste. Chaque proposition était assortie d’un jeu de données ouvertes servant de point de départ à leur enquête. Un sujet a été proposé par un étudiant qui a mené seul son projet d’enquête.
Cette formule d’amorçage du Lab a été adoptée cette année afin d’accélérer l’appropriation des données par les étudiants et de les rendre plus vite opérationnels sur leurs enquêtes. En effet, au fil des éditions précédentes du Lab, l’équipe des intervenants a pu constater que les étudiants journalistes disposent d’une « culture des données » très approximative, d’une connaissance souvent faible des outils de tableur (tri, filtre, tableau croisé dynamique) et des méthodes ou outils de visualisation.
Cette dimension, est bien compréhensible au regard du parcours des étudiants sélectionnés à l’IJBA : très peu sont issus de formation en mathématique, statistique ou informatique.
La fin de la première journée a ainsi consisté à s’approprier les données et ainsi à se familiariser avec leur « environnement » (méta-données) et les logiciels Excel, OpenOffice, LibreOffice ou Google Spreadsheets.
Charge ensuite à chacun des groupes de dégager un angle problématique sur leur sujet, puis de le confirmer à partir de l’analyse des données et d’un travail de pré-enquête : documentation, revue de presse, pré-entretiens. Un « pitch projet » a été commandé pour le 18 avril. Ce document, sorte de synopsis du projet d’enquête, devait leur permettre de formuler de manière claire l’angle identifié, la problématique traitée, les données à collecter ou produire et les interlocuteurs à contacter.
les 4, 6 et 25 avril, pendant trois heures
Pour des conférences de rédaction intermédiaires (non intégrées au calendrier officiel) dont le but était de confirmer les angles d’enquête dans les données et sur le terrain.
Comme l’année précédente, certains ont identifié des bases de données jugées pertinentes pour en tirer un sujet d’enquête, sans fonder leur conviction sur une analyse de leur contenu. D’autres ont mis beaucoup de temps à amorcer une démarche d’interrogation et d’analyse des données, au motif d’un « manque de temps » disponible dans leur emploi du temps (lire plus loin). D’autres enfin ont manifestement eu des difficultés à comprendre ce qu’on attendait d’eux dans ce module, les questions de la donnée et ses divers modes de réutilisation journalistique paraissant pour eux relever d’un univers lointain et obscur, réservé aux « geeks ».
Heureusement, et à l’inverse, une poignée d’étudiants a paru rapidement assez à l’aise pour entamer une démarche d’enquête active dans les données et sur le terrain.
Mais comme chaque année depuis le lancement du Data Journalisme Lab, les étudiants ont pensé au début qu’il suffirait de produire une belle visualisation et n’avaient pas du tout anticipé le temps qu’ils devraient consacrer à l’analyse et au traitement de leurs jeux de données, puis à l’enquête qu’il leur faudrait mener.
Le 25 avril, tous les groupes n’avait pas abouti ou livré un « pitch projet ».
le mardi 9 mai
Après la première journée de lancement d’avril et les conférences de rédaction intermédiaires, les étudiants ont travaillé sur une autre production de l’école (BKL) et perdu manifestement de vue le data journalisme…
Nous avons conduit une nouvelle conférence de rédaction avec eux le 9 mai pour leur demander de préciser leurs pitchs et les inviter à boucler avant le début de la session de production (8 jours plus tard !) le travail de pré-enquête sur le sujet choisi.
Chacun des douze groupes a ainsi été reçu et conseillé à tour de rôle par Frédéric Sallet et Suzanne Galy, avec pour objectif de finaliser la recherche et l’analyse des données et de valider les axes de leur projet éditorial (enquête de terrain, visualisations des données) à mener durant la session de production.
Constat : l’agencement du calendrier de lancement du Lab en plusieurs temps discontinus, ne favorise pas un bon démarrage des projets. Entre deux journées espacées dans le temps, les étudiants ne se mobilisent pas sur un travail personnel de recherche et de documentation. Un calendrier resserré (en particulier au démarrage du Lab) permettrait d’accompagner plus étroitement les groupes dans les étapes de validation de leur sujet… et d’envisager d’en changer le cas échéant, avant de se lancer en production. Ces constats seront pris en compte pour les futurs Data Journalisme Lab.
Du 17 au 27 mai : session de production
Gary Dagorn, data-journaliste au sein du journal Le Monde (Les Décodeurs), a rejoint le module à ce stade pour accompagner plus particulièrement les étudiants sur le maniement des outils web de datavisualisation.
Au premier jour de la session de production, chaque groupe a fait état à tour de rôle de l’avancement de son projet éditorial. Puis chacun s’est plongé dans son projet avec, comme toujours en pédagogie, de multiples va et vient, relectures partielles, discussions sur les angles et les sources, puis sur les choix éditoriaux.
D’emblée, trois groupes ont semblé à l’aise avec leur sujet, autonomes dans le traitement des données et bien avancés dans leur enquête de terrain. L’accompagnement a plutôt consisté en un appui technique par Gary Dagorn pour la mise en forme visuelle des données.
Certains sujets ont rapidement montré leur faiblesse : difficulté à élaborer un propos conforme à l’angle énoncé au départ du fait du manque de données disponibles ou de l’absence de révélations délivrées par les données identifiées.
Plusieurs groupes ayant formulé trop tardivement leurs demandes de jeux de données auprès des collectivités locales n’ont pas pu vérifier leurs hypothèses ou confirmer leurs intentions initiales d’enquête.
Deux groupes ont traversé un moment difficile en s’apercevant que les données invalidaient leurs hypothèses. Ils ont dû rebondir en modifiant leur angle selon les révélations offertes par le traitement des données.
Deux groupes ont réalisé, quelques jours avant le bouclage, que leurs données servant de base et source primordiale de leur enquête étaient totalement erronées, incomplètes, inutilisables. Ils ont été contraints à changer totalement ou partiellement de sujet.
Au terme de la session de production, une demi-journée a été consacrée à une présentation collective des productions.
Ce temps a permis à l’équipe des intervenants de prendre le recul nécessaire pour mesurer les forces et faiblesses de chacune des productions publiées. L’essentiel de ces réflexions porte sur la cohérence, la pertinence et la clarté des visualisations de données produites par rapport au propos délivré au lecteur. De l’art délicat de la mise en forme visuelle d’informations…
Nous vous livrons une synthèse de cet exercice critique dans la rubrique « On debriefe ».
En conclusion,
le Data Journalisme Lab 2016 a une nouvelle fois mis en évidence que le journalisme de données est un registre éditorial spécifique qui fait appel à toutes les compétences du journalisme et exige de la rigueur.
D’un point de vue pédagogique, cette session de formation est riche d’enseignements : elle a permis aux étudiants de progresser dans leur connaissance des sources d’information, leur approche critique de ces sources, les domaines de compétence des collectivités et organismes pourvoyeurs de données, le travail sur les chiffres et les statistiques, la notion d’angle, sa mise en cohérence avec l’information dont on dispose, la vérification de cette information, les techniques d’enquête et d’interview, l’écriture informative.
D’année en année, l’adage du #DJL2016 se vérifie et se confirme : du data journalisme d’accord, mais du journalisme d’abord.