Finances de l’ex Poitou-Charentes : une guerre de positions

Illustration 10 000 toitures guerre de positions

« Gestion calamiteuse », « banqueroute », « faillite »… Le Poitou-Charentes qui en 2015 affichait un bilan des plus mesurés est à présent accusé de tous bords de falsification des comptes. Analyse.

 

Le nouveau président de la grande région Aquitaine Alain Rousset ne cesse, depuis février 2016, de se plaindre de celle qu’il a épousée en début d’année, le Poitou-Charentes. Cette dernière, au bilan pourtant équilibré (63 % d’endettement) avant la fusion, aurait fourni des comptes douteux sur les exercices 2014 et 2015.

La facture serait lourde : 132 millions d’impayés, 56 millions de prêts à très haut risque et 46 millions à risque. Sans compter un crédit bail à hauteur de 300 millions, pour l’achat de rames de TER. Une menace potentielle pour l’avenir du nouvel ensemble qui l’a poussé à exiger un audit d’un cabinet prestigieux, Ersnt & Young.

Ségolène Royal, Présidente de Poitou-Charentes entre 2004 et 2014, a beau répéter qu’elle n’était plus aux affaires à ce moment là, la presse la présente pourtant systématiquement, photos à l’appui, comme la responsable du fiasco, en lui attribuant de facto le rôle de commanditaire.

Faut-il voir dans cette crise un règlement de compte entre deux ténors d’un même parti politique ? Ailleurs sur le territoire, les Présidents des grandes perdantes de la fusion, le Midi-Pyrénées (28% d’endettement, fusionné avec le Languedoc Roussillon, à 118 %), la Picardie (tributaire des 128% d’endettement du Pas-de-Calais) ou encore Champagne-Ardenne (avec l’Alsace et la Lorraine, à plus de 100 % d’endettement) n’ont pour leur part pas fait état de difficultés particulières.

Une audition sans les mis en cause

Les médias relèvent à présent que l’audit de l’agence Ernst & Young (EY) ne serait pas conforme aux normes définies par l’Ordre des experts comptables. Et que leur travail, selon les propres termes de EY, ne constituerait pas « une analyse exhaustive de la gestion de la collectivité sur la période analysée ».

La Chambre Régionale des Comptes (CRC) s’en chargera. Mandatée par personne, elle avait  déjà prévu «de faire un point sur la situation financière que nous avions appelé « l’état zéro » des trois Régions avant la fusion », comme le rappelle Jean-François Monteils, son Président.

Le rapport de la CRC présente un double intérêt : entendre les principaux acteurs du dossier mis en cause (ce que n’a pas fait EY) et le situer hors du temps politique : ses conclusions seront publiées à l’automne.

A l’aune de cet examen se dessinera la réponse à la question :  règlement de comptes entre ténors du PS ou cavalerie budgétaire ? Cela même si la commande d’un nouvel audit sur la qualité de l’endettement, dans l’attente des conclusions des juges de la CRC, replace le débat sur le plan politique, cette fois au sens noble du terme.

Des conceptions plus ou moins orthodoxes de la gestion de l’argent public

Car parler de « dette » sans savoir de quoi elle est faite n’a pas de sens. La Région où elle a le plus explosé (+96,4 %) entre 2009 et 2013 est… l’Aquitaine, dirigée par Alain Rousset. Ne présenter que ce seul chiffre n’aurait pas d’intérêt si l’on ne précisait pas en même temps que cette dette est demeurée une des plus faibles par habitant en France.

Yves Debien, vice-président aux finances de l’ex Poitou-Charentes, est serein. Il ne voit pas d’inconvénient à ce qu’un nouvel audit vienne évaluer les risques de la dette contractée sur l’exercice précédent : « Que Alain Rousset dise : je ne suis pas un banquier, je ne prends aucun risque, je l’entends. Mais dans un contexte d’inflation quasi nulle, les taux d’intérêts variables de nos emprunts structurés ont jusque-là profité aux Picto-charentais ».

Autre élu qui assume la part d’innovation dans la politique de l’ancienne collectivité, le vice-président de la commission Maîtrise de l’énergie-énergies renouvelables, Georges Stupar. « Nous avions vraiment la volonté de changer les choses. Quand je vois que Alain Rousset nous reparle de la D.A.T.A.R, un programme d’aménagement du territoire qui date des années 60, je suis vraiment atterré ».

Parmi les projets novateurs de l’ex Région aujourd’hui fusionnée avec l’Aquitaine et le Limousin, le dispositif «10 000 toitures ». Son décryptage permet de saisir toute l’audace de la politique de l’ancienne collectivité Poitou-Charentes, mais qui pose aussi la question : quelle part de risques peut se permettre de prendre un exécutif avec l’argent public ?

Pascal Gaud

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